Et d’abord… 
l’insatiable besoin de crier que j’existe.
Et puis, l’élan de l’esprit, 
qui, dès lors flatté
par quelques reflets,
se sent obligé d’expliquer 
ce qu’il croit comprendre. 
Des petits bouts d’histoire, 
des fragments de cohérence 
qu’il se persuade universels,
qu'il sauvera le monde.
Des débuts d’absolu qui font croire, 
un instant, 
que l’incomplétude n’est qu’illusion.
Je suis né avec tous les défauts.
La jalousie, d’abord. 
Face à l’autre qui a plus, qui peut plus. 
Pourquoi lui ? Pourquoi pas moi ? 
Merde, j’existe !
Le besoin, comme tant d’hommes, 
de me forger un traumatisme 
à la hauteur de ma soif 
d'exister.
Le mien me vient de mon père 
qui, 
malgré lui,
malgré son amour, 
malgré son intelligence,
a préféré la cohérence de ses récits 
à l’infiniment petit 
de mes maux d'adolescent.
Je suis celui qui se sent quelqu’un 
dès que l’attention 
vient effleurer son nom.
Celui qui se croit plus fort, plus clair, 
parce que ses échafaudages mentaux 
semblent mieux tenir 
face aux bourrasques du réel. 
Alors que j’ai juste eu un peu plus de chance : 
naître ici, 
être aimé, 
passer entre les gouttes,
sans trop savoir pourquoi.
Celui qui croit plier sans rompre 
et oublie que la vie ne lui appartient pas,
que le contrôle est une illusion, 
et que notre destin nous reste inconnu.
Celui qui se rétrécit pour ne pas s’engager. 
Qui renonce à soulager, 
même un peu, 
l'autre, 
le moins bien loti, 
par quelques attentions 
d'un compagnon de route.
Qui se contente du peu pour ne pas trop donner. 
par peur de trop sentir.
Celui qui garde, qui économise l’élan, 
par crainte d’un manque qu’il ne comprend pas. 
Et que cette avarice sauve peut-être 
de sombrer dans l’avoir, dans l'apparence.
Celui qui veut paraître fort 
mais vacille souvent 
devant cette lucidité 
qui pourtant pourrait le sauver.
Et au fond, 
celui qui cherche encore 
à se tourner vers l’autre 
sans rien attendre en retour. 
Sinon peut-être 
d’être transcendé, un instant, 
par la force douce 
du don de soi
par le rien 
qui n’est qu’amour.
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