Au bord du réel

Publié le 5 octobre 2025 à 12:37

« 
J'ai 3 ans.
Je veux tout voir, tout sentir,
écrire passionnément chaque page de mon existence.
...Le plaisir, c’est moi.
...Fleurs, ouvrez-vous toutes
...Je suis japonaise ! 
»

       - Amélie Nothomb et la métaphysique des tubes

(film 2025, Maïlys Vallade & Liane-Cho Han)-

L'enfant habite un instant, 
comme on entre en rêve,
la vérité du moment.

Ses mondes, fragiles, flambent et s’effacent.
Pas de dettes, le jeu ne doit rien.
Il a existé.
Restent les souvenirs à colorier
des expériences vécues
pour mieux renaître ailleurs.

 

L’adulte, devenu conscient de sa responsabilité au monde, 
exige, folie, de ses récits qu'ils soient réalités.
Il veut cohérence, continuité,
Vérité.

Chute dans l’abîme :
le réel glisse hors de tout système.

Trahison, pour l’enfant, pleurs, le jeu s’arrête.
Pour reprendre de plus belle autrement.

Pour l’adulte, c’est la blessure qui s’installe.
Le passé, plié sur le présent, se projette sur le futur.
L'esprit tisse un roman autour de la brûlure,
et parfois s’y enferme.

Mais le récit vécu a eu lieu. 
L’expérience reste vraie nourriture, 
et sans doute joies.
Avant qu’il ne soit remodelé.

Même la blessure est émotion.

J’ai 60 ans. 
Entre cohérence et vertige,
funambule en conscience,
toujours en équilibre incertain,
j’ai l’impression de comprendre les hommes
tout en demeurant ignorant du monde.

Et de pressentir, parfois,
presque physiquement,
l’épaisseur du réel.

Célébrer audace, curiosité et légèreté.
Refuser la cohérence qui efface l’expérience.
Adopter l’insouciance,
comme on danse dans l’errance.

Poser, un instant,
le sens en fardeau.

Revenir au souffle, redevenir enfant.
Habiter ses récits, vérités d’un instant -
papillons éphémères
frôlés par le temps.

Danser au bord de l’abîme.
Habiter l’incomplet,
ni oubli, ni calcul -
Aimer le passage,
et profiter du chemin.

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